Notre Liberté…

Adramé
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Notre liberté

Je me réveille le matin à l’heure où le coq ne chante pas encore
Le plaisir d’entendre le silence que trouble le cri éphémère de l’oiseau nocturne
La joie de savourer le repos de chaque segment de mon corps sur mon lit allongé
L’extase de voir mon cerveau éveillé égrainer un à un les mots qui forgent ma singularité

Mon corps noir ébène n’est plus mis aux enchères dans des marchés d’esclaves disparus
Les Antilles n’accueillent plus sur leurs îles fouettées de vents violents les cargaisons maudites
Les immenses champs de cotton blanc d’Amérique sont sevrés des cris d’êtres serviles
Les harems d’Arabie ont perdu l’exotisme des lianes noires enrôlées de force

La machine docile, habile supplantait l’humain caractériel sur le champ du travail et du plaisir
J’étais un animal pour absoudre le péché de ceux qui asservissaient leurs congénères
Le philosophe servile chantait mon humanisme pour vendre les machines libérateurs
Lorsque le pouvoir est assis sur la force, le mensonge est l’anesthésiant des esprits

La force physique de travail s’est inexorablement dépréciée à la bourse des valeurs d’enrichissement
La connaissance portée par des esprits brillants s’est emparée du monde
Le cerveau a fait perdre à l’humain sa couleur de peau encore honnie
L’innovation est devenue le leitmotiv de notre monde avide de richesses matérielles arrogantes

Ils tissent des filets aux mailles de plus en plus fines pour emprisonner mon esprit rebelle
Ils sont gracieusement malins croyant m’hypnotiser par de doux chants que charrient l’Océan Atlantique
Ils sont généreusement persuasifs pour que je leur confie mon cerveau trop encombrant à porter
Ils chantent, scalpent, agenouillent le monde entier par la musique de l’esprit rédempteur

Je préfère follement l’envolée des flûtes andines qui libèrent mon esprit sur les sommets inexplorés
J’adore la voix mélodieuse de Penda Madam qui chante l’hymne de la connaissance compétente
Je plains ces petits esprits sortis de la forêt d’Allum Kagne qui veulent assassiner l’esprit libre
J’ai pitié de guutuut l’oiseau des champs qui jette son lugubre cri pensant ensevelir les cerveaux fertiles

Notre démocratie est devenue malsaine, les esprits effarés se rendent, serviles
J’aime, sans sou, couché sur mon lit, l’oisiveté fertile de l’aurore
J’abhorre le clinquant doré de la richesse mal acquise qui rend bête les intelligences jadis fécondes
Je suis, libre, dans mon immense savane sahélienne, le chemin précieux que je me suis tracé.

Je vous souhaite une excellente journée dominicale sous la protection divine.

Dakar, dimanche 30 octobre 2022
Mary Teuw Niane

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