Le Cadre harmonisé du Secrétariat exécutif du Conseil national à la sécurité alimentaire, avait déjà alerté sur la situation alimentaire et nutritionnelle dans plus de 12 départements du pays. Le Cilss vient non seulement de confirmer ces chiffres, mais ajoute que la situation des enfants dans les régions de Louga et Matam est en train de tourner à la crise aiguë.
Le Dispositif régional de Prévention et de gestion des crises alimentaires (Pregec), une structure placée sous l’égide du Comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (Cilss), a publié un rapport à la suite de sa réunion tenue du 23 au 25 novembre dernier à Cotonou, au Bénin. Il y note, notamment en son point 8, que «la situation nutritionnelle reste particulièrement préoccupante dans les pays du Sahel et au Nigeria, malgré les efforts déployés par les Etats et leurs partenaires notamment. On observe une tendance à l’augmentation de la prévalence de la malnutrition aiguë chez les enfants de moins de 5 ans, avec des taux au-delà du seuil d’urgence (15%), notamment dans certaines zones au Sénégal (28% à Louga, 23% à Matam)».
Ces données du Pregec sont renforcées par le Cadre harmonisé d’analyse et d’identification des zones à risque et des populations en insécurité alimentaire et nutritionnelle au Sénégal. Conduit par la Se-Cnsa dirigée par M. Jean-Pierre Senghor, avec l’appui des partenaires financiers comme le Cilss, la Fao, Action contre la Faim, Save The Children, le Pam, Oxfam, la Jica et d’autres, le rapport est encore plus inquiétant. Il dit de manière claire : «Comparée aux résultats de l’analyse de novembre, la situation alimentaire des populations s’est dégradée avec un nombre de personnes en phase 3 à 5 en hausse de deux cent quarante-quatre mille huit cent quatre-vingt-treize (244 893) personnes, soit plus de 80%».
Selon la nomenclature du Cadre harmonisé, les phases vont de 1 à 5 ; la 1 étant la phase minimale, donc presque normale, la 2 celle sous pression, la 3 étant celle de crise. Avant que l’on ne passe à la phase 4, dite d’urgence, ou pire, à la 5, qui est la situation de famine. A l’heure actuelle, la phase de famine n’est déclarée que dans deux régions, du Burkina et du Nigeria, du fait des circonstances climatiques et socio-politiques.
Une très grande partie du Sénégal se trouve dans la phase 2, dite sous pression. Mais les données du Cilss et du Se-Cnsa projettent que plusieurs régions seraient en train de passer en phases de crise et d’urgence. «Deux départements supplémentaires, Goudiry et Kanel, devraient basculer en crise, le nombre de personnes en phase 3 à 5 s’élèverait à huit cent quatre-vingt mille deux cent soixante-quinze (881 275) personnes. Les déficits de consommation devraient s’accentuer avec la réduction des stocks issus de la production et la hausse conséquente des prix des principales denrées alimentaires de base et des produits énergétiques (pétrole, gaz, fuel)». Et comme on a vu plus haut, les enfants et les nourrissons seraient les plus affectés.
Il semblerait que le rapport du Cadre harmonisé poserait des problèmes aux services de Jean-Pierre Senghor. Alors que dans ses cahiers de charges, outre de mener les enquêtes sur la situation alimentaire et nutritionnelle du pays, il y a l’obligation de publier lesdites enquêtes, le directeur de la Se-Cnsa hésiterait à rendre le dernier public. Les résultats négatifs auxquels il a abouti lui poseraient des problèmes de conscience. La solution, pour certains cadres de la boîte, serait de remettre le document au Premier ministre avant sa publication, à charge pour ce dernier de décider ou non de sa publication.
Ce qui serait en violation flagrante des obligations du Se-Cnsa vis-à-vis de ses partenaires et financiers. Mais cela semble sans doute moins grave à M. Senghor que d’être l’annonceur de mauvaises nouvelles.
Retards de salaires : Le Se-Cnsa en totale insécurité institutionnelle
Le plus terrible dans la situation nutritionnelle et alimentaire du Sénégal, est que l’organisme chargé de mener des enquêtes pour renseigner les décideurs est, elle-même, en situation d’insécurité institutionnelle et… alimentaire !
Le retour de la Primature, et surtout, la nomination du Premier ministre Amadou Ba ont fait que le Se-Cnsa a quitté la tutelle du Secrétaire général du gouvernement pour celle du Premier ministre. Ce qui devait juste être une formalité se révèle aujourd’hui un calvaire pour le personnel de la boîte. Jusqu’à hier, les agents couraient après leurs salaires. «Si on avait l’habitude d’être payés au 8 avant, il peut arriver que nous attendions jusqu’au 15 du mois maintenant», se plaint un agent. «Le pire est que personne n’est en mesure de nous dire ce qui provoque cette situation. Nous n’avons pas d’interlocuteur. Même Jean-Pierre Senghor, le directeur, se mure dans un silence inquiétant.»
Ce chef de famille, comme d’autres collègues, raconte les difficultés qu’ils subissent du fait de ces dysfonctionnements. On peut imaginer les soucis avec les bailleurs, les provisions, épuisées, et les enfants sortis des écoles, du fait des frais de scolarité non payés.